mercredi 31 janvier 2024

Cour Internationale de Justice – que retenir de l’ordonnance rendue le 26 janvier 2024 ?

Un sport national en France consiste à parler avec passion de ce qu’on ne maîtrise pas. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de m’aventurer sur le terrain tortueux du Droit international public, malgré mon absence d’expérience en la matière.

 

Le 29 décembre 2023, l’Afrique du Sud décidait de saisir la Cour Internationale de Justice (CIJ) afin de voir ordonner des mesures conservatoires à l’encontre d’Israël dans le cadre de la guerre menée depuis la date funeste du 7 octobre 2023.

 

Après avoir écouté les plaidoiries des représentants des deux pays, la Cour a rendu son ordonnance le 26 janvier 2024. Il m’apparaît utile d’en souligner quelques aspects.

 

Mais d’abord, qu’est-ce que la CIJ ?


La CIJ est une Juridiction instituée par la Charte des Nations Unies, le Traité international qui a créé l’ONU, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale.

 

Elle est chargée de régler les différents entre les Etats membres de l’ONU, en se fondant sur les règles établies par le droit international général et d’éventuelles conventions entre les Etats.

 

Elle ne doit pas être confondue avec la Cour Pénale Internationale (CPI), instituée par le Statut de Rome de 1998. La CPI est chargée de juger des personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes internationaux (crimes de guerre, crimes contre l’Humanité, génocides etc.).

 

La CPI a vocation à remplacer les Tribunaux Pénaux Internationaux créés spécifiquement pour un conflit (Tribunal Pénal International pour le Rwanda, ou la Yougoslavie).

 

Israël n’est pas signataire du Statut de Rome, ce qui n’empêcherait pas théoriquement que des Israéliens puissent être poursuivis devant la CPI, même si ce n’est pas notre sujet.

 

La CIJ ne peut être saisie en matière contentieuse contre la volonté d’un Etat.

 

Alors pourquoi l’Etat d’Israël a-t-il pu être poursuivi ?

 

Tout simplement parce que depuis 1949, il est partie à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (« la Convention »), et que cette convention prévoit en son article IX la compétence de la CIJ en cas de différend quant à son application.

 

L’Afrique du Sud est également partie à cette convention… tout comme l’Etat de Palestine, depuis 2014.

 

Qu’est-ce qu’un génocide ?


Le peuple juif et l’Etat d’Israël ne le savent malheureusement que trop bien, puisque c’est suite à la Shoah que la Convention (article II) a défini ce crime :

 

« le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

a) Meurtre de membres du groupe;

 

b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe;

 

c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;

 

d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;

 

e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe. »

 

La Convention définit donc cinq types d’actes, particulièrement terribles, exécutés, et c’est essentiel, dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe.

 

Sans la démonstration de cette intention de destruction, il peut s’agir de crimes de guerre, voire de crimes contre l’Humanité, mais pas de génocide.

 

A ce stade, et il faut le rappeler, les atrocités commises par le Hamas et ses partisans le 7 octobre 2023 constituent assurément des actes de génocide, puisque de pareils actes ont été commis par un groupe armé, représentant une certaine forme étatique, dans le but de détruire un groupe, à savoir le peuple israélien.

 

Si l’Etat d’Israël a pu mettre fin à ces actes génocidaires par lui-même, il n’en reste pas moins que sa population en a été victime.

 

Cependant, il n’a, pour le moment, pas souhaité porter l’accusation devant les instances internationales, étant précisé qu’une plainte dirigée contre l’Iran, probable financeur du génocide du 7 octobre 2023, semble être en cours de rédaction.

 

C’est donc la riposte israélienne, et notamment suite à la phase d’invasion terrestre, qui a fait l’objet de la plainte de l’Afrique du Sud, qui n’a hypocritement pas saisi la CIJ d’une requête en parallèle contre l’Etat de Palestine.

 

Elle a tenté de se justifier sur cette critique en disant qu’elle ne pouvait saisir la CIJ d’une plainte contre le Hamas, qui n’est pas un Etat partie à la Convention. C’est vrai, mais l’Etat de Palestine, comme dit précédemment, est bien partie.

 

Quelles étaient les demandes de l’Afrique du Sud ?


L’Afrique du Sud a saisi la CIJ d’une demande de mesures urgentes et conservatoires, c’est-à-dire qui permettent de prévenir et d’arrêter des actes de génocide, la Cour rendant sa décision en quelques semaines.

 

C’est l’équivalent de la procédure de référé en droit civil français, celle qui peut permettre de mettre fin ou prévenir un trouble illicite.

 

Elle sollicitait en premier lieu l’arrêt immédiat des opérations militaires israéliennes.

 

De plus, elle demandait à la Cour de rappeler Israël à ses obligations en matière de prévention de génocide, et qu’elle lui ordonne de veiller à prendre les mesures visant à éviter qu’un génocide se produise ou s’aggrave.

 

Enfin, elle demandait à la Cour qu’Israël produise un rapport sur le respect de ces demandes.

 

Quels sont les arguments de l’Afrique du Sud ?


L’accusation de génocide contre Israël n’est pas nouvelle. Si elle fait particulièrement écho depuis la riposte israélienne au génocide du 7 octobre 2023, l’Etat d’Israël est régulièrement taxé de commettre un génocide à l’encontre des Palestiniens, ces accusations mêlant les opérations militaires fréquentes, les implantations/colonies, l’occupation des territoires.

 

L’Afrique du Sud a longuement rappelé dans sa requête ces accusations, mais uniquement pour « noircir le tableau », donner un contexte favorable aux Juges pour qu’ils puissent prendre une décision dans leur sens.

 

Mais, fait marquant, elle n’a pas demandé à la Cour qu’elle ordonne le retrait d’Israël des territoires palestiniens, ce qu’elle aurait pu faire.

 

Est-ce donc à considérer que les accusations antérieures étaient infondées, même pour l’Afrique du Sud ?

 

Refermons la parenthèse : l’Afrique du Sud mentionne en premier lieu qu’Israël est accusé d’avoir commis les cinq types d’actes précités.

 

-          Un très grand nombre de victimes est à déplorer à Gaza, dont une large proportion de femmes et d’enfants. Les chiffres mentionnés par l’Afrique du Sud se fondent sur les estimations des ONG locales confirmant ceux mentionnés par le Hamas,

-          Une catastrophe sanitaire, des difficultés terribles d’accès aux soins,

-          Une catastrophe alimentaire, des risques de famine.

 

Pour démontrer le caractère intentionnel, elle rappelle d’abord le siège de Gaza, au cours duquel l’armée israélienne a interdit l’acheminement de toute denrée dans l’enclave pendant plusieurs jours.

 

De plus, elle se fonde sur des déclarations de personnalités politiques israélienne, de premier et de second plan, notamment :

 

-          Benjamin Netanyahu, mentionnant notamment la guerre biblique contre Amalek (ce qui a donné un passage assez hallucinant sur la notion d’Amalek dans la Torah devant la CIJ),

-          Isaac Herzog : « C’est toute une nation qui est responsable. Tous ces beaux discours sur les civils qui ne savaient rien et ne faisaient rien sont faux, absolument faux et nous nous battrons jusqu’à leur briser la colonne vertébrale », le 12 octobre 2023,

-          Betsalel Smotrich : « Nous devons porter un coup jamais vu en 50 ans et anéantir Gaza » le 8 octobre 2023

-          Amichai Eliyahu : « Le nord de Gaza est plus beau que jamais. Tout a explosé, tout a été rasé, c’est un plaisir pour les yeux … Nous devons parler du jour d’après. Mon idée est que nous allons distribuer des parcelles à tous ceux qui se battent depuis des années pour Gaza, et aux expulsés de Gush Katif » le 1er novembre 2023.

 

De nombreuses autres citations sont produites par l’Afrique du Sud, émanant de politiques mais aussi de responsables militaires.

 

Certains discours sont plus excusables que d’autres, en fonction du groupe visé : le Hamas ou la population globale de Gaza.


De plus, certaines paroles prononcées le jour de l’attaque ou les jours qui ont suivi pourraient être considérés autrement que d’autres plusieurs semaines voire plusieurs mois après, alors que le nombre de victimes augmente.

 

A signaler que l’Afrique du Sud a même cité une vidéo de soldats chantant avec… Kobi Peretz !

 

L’accusation est donc lourde et fondée sur des déclarations d’officiels israéliens dont les termes peuvent particulièrement choquer.

 

Quels sont les arguments d’Israël ?

 

Le premier argument est d’ordre technique.

 

Israël soulève l’incompétence de la Cour, puisqu’en l’absence de différend avec l’Afrique du Sud, elle ne pourrait être saisie.

 

De plus, l’Etat d’Israël dit que :

 

-           Il a pris les précautions nécessaires afin d’éviter les pertes de vie humaine,

 

-          Les combats ont diminué d’intensité,

 

-          l'aide humanitaire est acheminée dans des quantités de plus en plus importantes,

 

-          il a mis en place des mesures visant à faciliter l’accès aux soins médicaux (hôpitaux de campagne, acheminement de matériel médical etc.)

 

-          le procureur général a menacé de poursuivre pénalement ceux qui incitent à s’en prendre délibérément à la population civile.

 

Ces mesures sont suffisantes pour éviter d’ordonner des mesures conservatoires.

 

Quelle est la réponse de la Cour ?


Sur la compétence, la Cour rappelle que la Convention sur le génocide s’applique à tous les Etats signataires, même en l’absence de différend entre le demandeur et le défendeur.

 

C’est heureux : dans le cas contraire, un Etat qui pratiquerait le génocide contre son propre peuple, comme le Myanmar contre les Rohingyas ou la Chine contre les Ouïghours, ne pourrait jamais être poursuivi.

 

Sur le fond, la Cour rappelle qu’il n’est pas nécessaire de prouver l’existence d’un génocide pour prendre des mesures conservatoires.

 

Il suffit de démontrer qu’il existe un risque plausible de préjudice irréparable à un groupe de population, en l’occurrence les Palestiniens de Gaza.

 

C’est, selon elle le cas. A ce stade, elle estime que les éléments avancés par l’Etat d’Israël ne sont pas suffisants pour écarter ce risque.

 

Attention, la Cour prend soin de rappeler qu’au regard du contexte et de la procédure, elle ne prend pas position sur le fond (y a-t-il ou non un génocide ?), mais qu’elle se doit de prendre des mesures pour protéger les Palestiniens d’un éventuel risque.

 

Elle fait donc partiellement droit à la demande de l’Afrique du Sud.

 

Israël est particulièrement invité à respecter la Convention sur le génocide et à prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir la commission des actes mentionnés plus haut.

 

De plus, Israël doit rendre un rapport sur ces mesures prises dans le délai d’un mois suivant la décision.

 

Cependant, la Cour rejette la demande de cessez-le-feu, qui était une des demandes principales de l’Afrique du Sud.

 

C’est ce qui permet d’éviter de dire que la décision est une claque pour Israël, qui, finalement, devra continuer à prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter les pertes humaines civiles.

 

Mais il est également demandé à Israël d’en justifier, et surtout de prendre des mesures à l’encontre de ceux qui, en Israël, incitent à commettre des crimes.

 

L’absence de demande de suspension des combats est une vraie victoire pour Israël, qui pourra toujours arguer que les motivations de la guerre menée à Gaza sont justes, et qu’il a produit suffisamment d’éléments pour rassurer la Cour sur l’absence d’élément intentionnel dans les combats.

 

A titre de comparaison, la Cour avait ordonné à la Russie de cesser ses opérations militaires en Ukraine par ordonnance du 16 mars 2022. Elle en a donc le pouvoir.

 

Mon analyse de la décision


Sur la décision en elle-même, je relève plusieurs lacunes, qui peuvent s’expliquer par la complexité de l’affaire

 

En premier lieu, sur les sources citées par l’Afrique du Sud et reprises par la Cour, qui est, rappelons-le, l’organe judiciaire de l’ONU.

 

La Cour se fonde notamment sur des rapports de l’UNRWA, organisme décrié depuis de nombreuses années et qui a fait l’objet d’un scandale retentissant entraînant le gel de son financement dans les jours qui ont suivi la publication de l’ordonnance.

 

De plus, la Cour n’a pas vérifié si les déclarations mentionnées par l’Afrique du Sud, aussi choquantes soient elles, avaient été suivi d’instructions précises à l’armée israélienne de commettre des actions indiscriminées envers les civils palestiniens.

 

La décision est également particulièrement pauvre en termes de motivation, et écarte d’un revers de main les arguments israéliens, se contentant de juger les initiatives prises pour éviter les pertes en vie humaines comme étant « à encourager, mais insuffisantes ».

 

Ce, sans préciser en quoi elles sont insuffisantes, pour ensuite demander à Israël de veiller à l’application de la Convention.

 

Hormis la demande de poursuites contre ceux qui incitent à la violence et l’acheminement de denrées et matériels humanitaires, la Cour est quasi-muette sur les mesures que doit prendre concrètement Israël.

 

On pourrait presque penser qu’elle s’en satisfait à ce stade, vu qu’elle n’ordonne pas de suspension des opérations.

 

Par ailleurs, on peut également s’interroger sur les motivations et l’indépendance de certains Juges.

 

A titre d’exemple, le Juge Gevorgian, de nationalité Russe, a voté pour l’ensemble des mesures préconisées par la Cour.

 

Pourtant, dans l’affaire Ukraine contre Russie, il avait voté contre.

 

Dans son opinion dissidente, il estimait en effet que :

 

« Je n’ai pu m’associer au vote de la majorité s’agissant des première et deuxième mesures conservatoires indiquées par la Cour dans son ordonnance, et ce, pour une raison juridique fondamentale unique : à mon avis, la Cour n’a pas compétence pour connaître de la présente affaire. En fin de compte, la compétence de toute juridiction internationale dépend du consentement d’Etats à soumettre un différend qui les oppose au règlement contraignant d’une instance judiciaire. Il s’agit là d’un principe bien établi du droit international général, qui est en outre clairement incorporé dans le Statut de la Cour. En conséquence, aucun Etat ne saurait être obligé de soumettre ses différends à la Cour sans son consentement »

 

Etonnamment, il semble que sa position a diamétralement évolué en moins de deux ans…

 

Dans l’affaire Ukraine contre Russie, le Juge Bennouna (marocain), estimait que, même s’il avait voté pour l’ensemble des mesures, il estimait que le terme de génocide était galvaudé et que les véritables victimes de génocides s’en trouvaient lésées.

 

Si c’était le cas pour la guerre en Ukraine, pourquoi ne pas le dire également pour la guerre de Gaza ?

 

Dans cette même affaire, la Juge Xue (chinoise), a voté contre les mesures conservatoires prises par la CIJ contre la Russie.

 

Elle estimait en effet la Convention inapplicable car il s’agissait d’une question de licéité de l’emploi de la force, en plus du fait que les mesures prises ne seraient pas suivies d’effet.

 

Pourtant, elle a voté pour ces mesures dans l’affaire contre Israël.

 

Mieux, le Juge Nolte (allemand), a publié une déclaration suite à la décision prise sur la guerre à Gaza, estimant : « Même si je ne pense pas plausible que l’opération militaire soit conduite dans une intention génocidaire, j’ai voté pour l’ensemble des mesures indiquées par la Cour ».

 

En clair, il a jugé selon l’expression talmudique Lifnim Meshourat hadin, au-delà de ce que prévoit la loi strictement.

 

On peut considérer que c’est tout à l’honneur du Juge Nolte d’avoir tranché ainsi, contre ses convictions. Il n’empêche qu’il reconnait avoir tranché alors qu’un critère déterminant du génocide n’était pas acquis.

 

Enfin, la Juge Sebutinde (ougandaise) est la seule à avoir voté contre l’ensemble des mesures proposées à l’encontre d’Israël.

 

Elle explique dans son opinion dissidente qu’il s’agit d’une question relative à des combats entre deux forces ennemies, et qu’ainsi, la Convention n’a pas à s’appliquer.

 

Suite à ce vote, les représentants officiels de l’Ouganda l’ont publiquement désavouée.

 

Peut-on imaginer une telle réaction de la France ou de l’Allemagne, qui ne soutenaient pas les accusations de l’Afrique du Sud mais dont les Juges ont pourtant voté pour la mise en place des mesures conservatoires ?

 

Pourquoi personne ne s’est offusqué de cette attaque contre l’indépendance de la Juge Sebutinde ?

 

Sur le fond, l’Etat d’Israël peut-il être sérieusement accusé de génocide ?

 

-          Un Etat qui a l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe pratiquerait-il le « roof knock », qui consiste envoyer une déflagration à blanc sur une cible avant de la frapper, pour prévenir les occupants ?

-          Un Etat qui a l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe aurait-il passé plusieurs dizaines de milliers d’appels téléphoniques pour ordonner des évacuations de zones à haut risque ?

-          Un Etat qui a l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe aurait-il envoyé plusieurs millions de SMS pour prévenir d’une attaque imminente dans un secteur ?

-          Un Etat qui a l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe aurait-il largué des millions de tracts indiquant les chemins sûrs d’évacuation des civils ?

-          Un Etat qui a l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe aurait-il acheminé de l’aide humanitaire par sa propre frontière via le passage de Kerem Shalom ?

-          Un Etat qui a l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe aurait-il proposé aux représentants de ce groupe d’arrêter les combats contre la libération d’otages ?

-          Peut-on imaginer que la victime d’un génocide puisse refuser qu’il prenne fin, temporairement (libération d’otages) ou définitivement (reddition et exil des dirigeants du Hamas) ? 

 

Si vous avez, honnêtement, répondu « non » à une seule de ces questions, l’accusation de génocide ne tient pas.

 

Il est malheureusement possible, voire probable vu l’ampleur des destructions et du nombre de victimes civiles que des soldats israéliens aient commis des crimes de guerre.

 

Le terrible épisode de la mort par erreur d’otages israéliens échappés, torses nus et agitant un drapeau blanc, démontre qu’à tout le moins certaines précautions n’ont pas été prises.

 

Mais le crime de génocide a une définition précise, chargée en signification.

 

Je rejoins totalement l’avis du Juge Bennouna : le galvauder, c’est porter atteinte aux véritables victimes anciennes, comme actuelles, de génocide.

 

Enfin, j’espère de tout cœur qu’Israël appliquera les mesures demandées par la Cour et évitera une telle condamnation qui frapperait le pays d’infâmie.

 

Israël a tout à gagner à engager des poursuites contre ceux ayant tenu des propos incitatifs, même si cela débouche sur de faibles condamnations.

 

L’absence de réactions suite à la conférence au cours de laquelle plusieurs ministres du gouvernement ont été vus en train de danser pour demander un retour des implantations à Gaza est une faute majeure.

 

Israël est un pays qui bénéficie heureusement d’une justice indépendante. Il a tout à gagner à la laisser travailler.

 

Le destin du pays est plus important que celui de quelques dirigeants oubliables.

 

Ce d’autant plus que la CPI pourrait un jour être saisie. L’existence d’une Justice indépendante en Israël serait une barrière indispensable à une telle saisie.

 

Peut-être qu’un jour, nous remercierons les marcheurs du samedi soir…

 

Par ailleurs, je ne saurais que trop encourager l’initiative de la plainte contre l’Iran. J’ajoute également qu’une plainte contre l’Etat de Palestine serait la bienvenue, puisque le critère de l’intention est parfaitement établi par le versement des salaires aux terroristes du 7 octobre 2023.

 

Certes, cela impliquerait la reconnaissance de l’Etat de Palestine par Israël. Dans ce cas, un pays allié pourrait porter l’affaire à la place d’Israël ?

 

En attendant, et au-delà de ces développements, j’espère une victoire rapide et totale de Tsahal, laquelle permettra de mettre fin aux hostilités et ramener la paix dans la région, la libération de tous les otages, que nous puissions enfin entamer la période de deuil et reconstruire.


dimanche 25 avril 2021

Affaire Sarah Halimi (fin ?) : le Sage nous montre la lune, ne lui mordons pas le doigt.

 

Cas de conscience : j’ai toujours, ou presque toujours, marché contre l’antisémitisme.

 

Après Ilan Halimi, après Toulouse, après Charlie et HyperCacher.

Et aujourd’hui ? Aujourd’hui, c’est avec un goût très amer en bouche que je n'ai pas rejoint une marche ayant pour objet de remettre en cause une décision de Justice qui me paraît non seulement fondée en droit, mais basée sur une juste appréciation des faits et des expertises judiciaires.

En pointant du doigt une affaire sur le dernier maillon d'une chaîne, on détourne le regard sur l'ensemble des premiers maillons de celle-ci.

Sarah Halimi, que Dieu repose son âme, méritait mieux que tout ça. 

Parce que j’estime que la Justice se rend dans les Tribunaux et non sur les plateaux TV et les réseaux sociaux où s’enchaînent les réactions de peoples n’ayant pas saisi le fond de l’affaire, tronquant les faits et le raisonnement juridique, sauf à de trop rares exceptions près. 

Non, la Justice ne donne pas plus de valeur à un chien qu’à une femme juive. 

Non, il n’y a pas de « Jurisprudence Sarah Halimi », qui autoriserait n’importe quel criminel à être absout de son crime en simulant une bouffée délirante. 

Il y a une justice qui prend des décisions en fonction des faits qui lui sont rapportés. Evidemment, sans être infaillible, j’ai tendance à accorder ma confiance à ces professionnels ayant passé des mois, des années, à éplucher le dossier, qu’à ceux qui ne l’ont pas fait.

Car oui, chaque cas est différent. Illustrations:

- Vladimirs B. a 26 ans, il a tué un SDF de façon atroce. Il a consommé de la drogue et de l’alcool avant de commettre son crime. Il semble être schizophrène, mais les experts se déchirent. Là encore, le Dr Zagury penche pour l’altération du discernement. Un second collège d’experts se prononce aussi pour la responsabilité pénale. L’affaire va aux Assises. Le Dr Cordier, du second collège, change d’avis à l’audience et estime qu’il y a abolition du discernement.

Le Dr Zagury maintient.

L’avocat général requiert la responsabilité pénale.

Vladimirs sera condamné à 15 ans de réclusion criminelle, peine confirmée en appel.

 

- Un contexte social sur fond d’attentats et de tensions communautaires, un crime commis par un voisin, une bouffée délirante causée par de la consommation de drogues.

Cela ne vous rappelle rien ?

Quelques jours après les attentats de janvier 2015, Thomas est au chômage, il traverse une période difficile. Il ressent des crises d’angoisse et tente de les calmer avec du cannabis.

Il toque chez ses voisins, qui lui ouvrent, et tue Mohamed El Makouli, devant sa femme et son bébé. Le tout en hurlant : « Je suis ton dieu, il n'y a pas d'Islam ! ».

Le procureur requiert l’irresponsabilité pénale.

Thomas est déclaré irresponsable, son discernement était aboli.

 - Un autre crime raciste, lui aussi. Perpétré par Julien, olé hadash, monté en Israël dans des circonstances troubles. Il traverse également une période très difficile et se rapproche de la religion. Il dit vouloir faire sauter les bus qui roulent le chabat et tuer des Arabes.

En mars 2007, son épouse dépose plainte contre lui, suite à des menaces répétées de sa part. On le considère éligible à la sanction pénale et il est condamné par le Tribunal de première instance de Tel Aviv.

Deux mois plus tard, il prend un taxi, conduit par un Palestinien, Taysir Karki. Il lui propose de monter chez lui se rafraîchir. Lorsque le chauffeur sort des toilettes, Julien se rue sur lui et lui assène 24 coups de couteaux. Lorsqu’il se rend à la police, il déclarera avoir voulu tuer un Arabe et que cela ne lui faisait rien ressentir que de le taillader ainsi.

Expertisé par 3 docteurs de l’Hôpital Abravanel de Tel Aviv, il est déclaré irresponsable pénalement. Il était dans un état psychotique paranoïaque aiguë.

Le procureur n’y croit pas et requiert pour que Julien soit sanctionné.
Le Tribunal de Tel Aviv prononce l’irresponsabilité pénale de Julien, qui sera soigné pendant plusieurs mois avant de sortir.

Toutes ces affaires sont réelles et documentées.

Et comment ne pas penser à Sebastien Sellam, tué par son ami d’enfance aux cris d’Allah Akbar ? Son meurtrier aussi, avait consommé du cannabis.

Comme 40% des schizophrènes qui en consomment régulièrement…

Et pourtant, je ne conteste pas une seule de ces décisions.

« L'opinion publique, chassez-la, cette intruse, cette prostituée qui tire le juge par la manche », disait Vincent de Moro-Giafferri, un Avocat du siècle dernier.

Cette affaire Sarah Halimi aurait pu nous permettre de voir plus loin, lui rendre un vrai hommage.

On aurait pu s'interroger sur la prise en charge de patients relevant de la psychiatrie et non de la prison, la France hébergeant 3 fois plus de schizophrènes en prison que la moyenne européenne.

Cela aurait pu être l'occasion de mettre beaucoup de questions sur la table, et notamment celle de l'antisémitisme musulman qui a permis cet acte atroce, ce que la décision reconnaît.

 J’aurais marché pour cela. Pour Sarah.

 A la place de cela, on restera sur une émotion, légitime, dirigée contre ceux qui en ont fait le constat.

On aura une nouvelle usine à gaz législative qui permettra de juger pénalement une personne sans élément intentionnel.

 Alors, on me rétorquera que cette émotion permet de créer une unité encore jamais vue, entre Juifs, laïcs, Musulmans, Noirs etc.

L’unité n’a aucun sens lorsqu’elle est fondée sur des mensonges et qu’elle permet de mettre les réels problèmes sous le tapis.

Et rappelez-vous.

Les mêmes qui vous proposent une loi, où le bon sens populaire primera sur la débilité des Juges sont en train de virer progressivement les jurés des Cour d'Assises.

Nous serons tous les cocus de la récupération médiatique et politique de l'affaire Sarah Halimi.

***

Cas de Thomas: https://www.laprovence.com/article/edition-vaucluse/3988643/meurtre-de-m-el-makouli-lirresponsabilite-penale-requise.html

Cas de Vladimirs: https://www.epris-de-justice.info/jai-tue-un-homme-et-jai-bu-son-sang/

Cas de Julien: https://www.leparisien.fr/faits-divers/le-franco-israelien-tend-un-guet-apens-a-sa-victime-16-05-2007-2008035891.php

mardi 20 avril 2021

𝐀𝐟𝐟𝐚𝐢𝐫𝐞 𝐒𝐚𝐫𝐚𝐡 𝐇𝐀𝐋𝐈𝐌𝐈 (𝐬𝐮𝐢𝐭𝐞) – 𝐐𝐮𝐞𝐥𝐪𝐮𝐞𝐬 𝐞𝐱𝐩𝐥𝐢𝐜𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧𝐬 𝐞𝐭 𝐫𝐞́𝐟𝐥𝐞𝐱𝐢𝐨𝐧𝐬 𝐬𝐮𝐢𝐭𝐞 𝐚̀ 𝐥’𝐚𝐫𝐫𝐞̂𝐭 𝐫𝐞𝐧𝐝𝐮 𝐩𝐚𝐫 𝐥𝐚 𝐂𝐨𝐮𝐫 𝐝𝐞 𝐂𝐚𝐬𝐬𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧


Le 14 avril dernier, la Cour de cassation rendait un arrêt extrêmement attendu. Sans surprise, elle rejetait le pourvoi formé par la famille de Sarah Halimi à l’encontre de l’arrêt de la Chambre de l’Instruction de la Cour d’Appel de Paris du 19 décembre 2019.
J’avais tenté à cette période de rédiger un article le plus clair possible pour que ceux qui ne comprenaient pas la décision concernant cette affaire qui a engendré une émotion légitime.
Au regard des réactions suscitées par cette nouvelle décision, et alors que la Cour n’effectuait aucun revirement de jurisprudence, de la seule place laissée à l’outrance dans nos médias, je voudrais, par ces quelques lignes, expliquer les enjeux et les questions posées à notre plus Haute juridiction.
𝟏) 𝐐𝐮𝐞𝐥𝐥𝐞 𝐞𝐬𝐭 𝐥𝐞 𝐫𝐨̂𝐥𝐞 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐂𝐨𝐮𝐫 𝐝𝐞 𝐂𝐚𝐬𝐬𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 ?
En deux mots : la Cour de cassation est l’organe judiciaire le plus élevé en droit privé. C’est le dernier recours de l’ordre interne français.
Elle est en général saisie d’un pourvoi formé contre une décision rendue « en dernier ressort », c’est-à-dire le plus souvent par une Cour d’Appel (mais pas toujours).
Dans notre cas, la famille de Sarah Halimi a formé un pourvoi contre une décision de la Cour d’Appel de Paris.
Point essentiel : la Cour de cassation ne juge pas les faits, elle les considère comme acquis. Ainsi, on ne rejoue pas le procès tel qu’il a eu lieu en première instance et en appel. Elle ne juge qu’en droit.
La Cour de cassation ne fait que vérifier si le droit a été appliqué aux faits, dont l’appréciation est laissée aux « juges du fond », ici, la Cour d’Appel.
Cela a toute son importance dans notre décision.
Elle peut rendre deux types de décisions : la cassation ou le rejet du pourvoi.
En cas de rejet, il n’y a plus de recours dans l’ordre judiciaire français. L’affaire est toujours susceptible d’être entendue devant d’autres juridictions, comme la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH).
𝟐) 𝐐𝐮𝐞𝐥𝐬 𝐞́𝐭𝐚𝐢𝐞𝐧𝐭 𝐥𝐞𝐬 𝐚𝐫𝐠𝐮𝐦𝐞𝐧𝐭𝐬 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐟𝐚𝐦𝐢𝐥𝐥𝐞 𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐝𝐞𝐦𝐚𝐧𝐝𝐞𝐫 𝐥𝐚 𝐜𝐚𝐬𝐬𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 ?
Ils peuvent être retrouvés dans la décision, ou dans l’excellent article de Julien Mucchielli dans le Dalloz.
On peut les regrouper en 3 points :
a) La bouffée délirante connue par Traoré n’est pas consécutive à un trouble mental mais à la consommation de cannabis, et que l’article 122-1 du Code pénal ne retient comme cause d’irresponsabilité que les maladies mentales,

b) L’acte volontaire de consommation de cannabis exclut l’irresponsabilité, puisque son but est de modifier l’état de conscience,

c) La conscience que le crime a été commis à raison de la religion de Sarah Halimi exclut l’abolition du discernement.

𝟑) 𝐂𝐨𝐦𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐚 𝐫𝐞́𝐩𝐨𝐧𝐝𝐮 𝐥𝐚 𝐂𝐨𝐮𝐫 𝐝𝐞 𝐜𝐚𝐬𝐬𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 ?
Le premier point est rapidement évacué. En effet, la loi, comme la jurisprudence, n’ont jamais donné comme exigence que l’abolition du discernement soit consécutive à une maladie mentale.
On peut également rajouter que les experts ont relevé un terrain proche de la schizophrénie chez le meurtrier, sans pour autant pouvoir l’assurer avec certitude. Tous sont cependant d’accord sur le fait que le terrain était fragile.
Le second point est le plus essentiel : la bouffée délirante résulte d’une faute, à savoir la consommation de cannabis. M. Traoré ne peut donc voir sa responsabilité exclue.
La Cour répond que la loi ne distingue pas l’origine du trouble, mais s’attarde sur ses conséquences : altération ou abolition ?
C’est la distinction entre l’accident de voiture causé par la consommation d’alcool et la bouffée délirante.
Comme le rappellent les experts, l’ivresse cannabique ne peut être comparée avec la bouffée délirante, la première supposant un schéma causal simple : je fume (ou je bois), je prends ma voiture, je cause un accident. A aucun moment, le discernement n’est aboli.
Il est important de signaler que, de l’avis de tous, la bouffée délirante était un effet totalement imprévisible de la consommation de cannabis, laquelle avait au demeurant été diminuée avant les faits.
Beaucoup ici m’ont interpellé en me disant que, pour avoir déjà fumé, ils n’ont jamais tué personne.
Cela ne fait que confirmer ce qui a été dit : une personne qui fume, seule chez elle, ne peut prévoir un tel accès de violence. D’autant plus qu’il ressort de l’enquête que Traoré avait justement fumé pour calmer un état d’angoisse persistant depuis plusieurs jours (cf. mon précédent article).
On rappellera aussi que dans une récente interview (que je vous conseille fortement de lire), le Dr Bensoussan qui a examiné Traoré rappelle que personne ne peut dire avec certitude qu’en l’absence de consommation de drogue, il ne connaitrait jamais de bouffée délirante.
C’est une des raisons pour lesquelles il continue d’être interné depuis 2017 et que les experts estiment la durée de son hospitalisation à plusieurs années, voire des dizaines d’années.
Le troisième point est intéressant, car il nous permet de toucher du doigt certaines questions liées à la psychiatrie et au rôle de l’environnement sociétal dans le délire connu par une personne sujette à des bouffées délirantes.
C’est le sens de la conclusion de mon article de 2019 et le vrai sujet sur lequel les politiques doivent s’emparer.
S’il est acquis qu’un acte peut être commis par un fou tout en étant qualifié d’antisémite, il faut donc lutter au mieux contre ce contexte sociétal particulièrement présent dans certains milieux musulmans (même si l’enquête n’a pas permis avec certitude de dire que Traoré avait des antécédents antisémites).
De plus, retenir le caractère antisémite du meurtre permet, autant que faire se peut, de situer la victime au sein du procès et de caractériser le crime dont elle a fait l’objet.
Je vous renvoie aux mots des Dr Zagury et Bensoussan, que l’on peut trouver dans son interview dans Marianne.
𝟒) 𝐌𝐚𝐢𝐬, 𝐢𝐥 𝐧’𝐲 𝐚𝐯𝐚𝐢𝐭 𝐩𝐚𝐬 𝐝’𝐮𝐧𝐚𝐧𝐢𝐦𝐢𝐭𝐞́ 𝐞𝐧𝐭𝐫𝐞 𝐥𝐞𝐬 𝐞𝐱𝐩𝐞𝐫𝐭𝐬 ?
Comme je l’ai rappelé, trois expertises ont été ordonnées sur Traoré. Deux retiennent l’abolition, alors que le Dr Zagury penchait pour l’altération.
La jurisprudence n’exige pas l’unanimité des expertises psychiatriques pour déterminer l’abolition et l’irresponsabilité pénale, mais un consensus.
Force est de constater qu’il y avait bien consensus.
Il y avait en réalité même unanimité sur la caractérisation de la bouffée délirante aiguë et du caractère imprévisible de celle-ci.
Le Dr Zagury a retenu l’altération (et donc l’éligibilité à la sanction) du fait de la consommation volontaire de cannabis, ce qui, il me semble, est plus une question d’ordre juridique que psychiatrique.
J’en profite pour dire que l’un des avocats des parties civiles, Me Goldnadel, est un fervent défenseur de cet argument.
Selon lui, l’absence d’unanimité des experts sur la caractérisation des faits aurait dû mener vers un procès pénal.
Je trouve savoureux qu’il soutienne une telle thèse alors qu’il est par ailleurs très engagé publiquement contre la famille d'Adama Traoré, au sujet duquel il y a réellement une querelle d’expert.
Le verra-t-on prochainement défiler aux côtés d’Assa Traoré pour qu'il y ait un procès à l'encontre des gendarmes ?
𝟓) 𝐄𝐱𝐢𝐬𝐭𝐞-𝐭-𝐢𝐥 𝐮𝐧𝐞 𝐩𝐨𝐬𝐬𝐢𝐛𝐢𝐥𝐢𝐭𝐞́ 𝐝𝐞 𝐯𝐨𝐢𝐫 𝐥𝐞 𝐦𝐞𝐮𝐫𝐭𝐫𝐢𝐞𝐫 𝐚𝐮𝐱 𝐀𝐬𝐬𝐢𝐬𝐞𝐬 ?
Très honnêtement, je ne vois pas comment.
S’il y a bien un recours formé contre l’Etat français devant la CEDH, il ne peut qu’éventuellement déboucher sur la condamnation de la France à verser des dommages-intérêts à la famille, pas de refaire le procès.
Les chances de succès de la famille restent cependant restreintes, à mon humble avis.
Quant au changement législatif voulu par Emmanuel Macron et en discussion au sénat, il ne pourra s’appliquer que pour l’avenir.
𝟔) 𝐌𝐚𝐢𝐬, 𝐚𝐮 𝐟𝐨𝐧𝐝, 𝐮𝐧 𝐩𝐫𝐨𝐜𝐞̀𝐬 𝐧’𝐚𝐮𝐫𝐚𝐢𝐭-𝐢𝐥 𝐩𝐚𝐬 𝐞́𝐭𝐞́ 𝐩𝐫𝐞́𝐟𝐞́𝐫𝐚𝐛𝐥𝐞 ?
Ce n’est que mon opinion, que j’ai préféré laisser de côté jusqu’ici, mais je pense que non.
D’une part, il y a bien eu procès. Les experts ont été entendus et questionnés, la famille auditionnée, il y a eu une enquête.
Il est faux de dire qu’il n’en a pas eu. Ce qui n’a pas eu lieu, c’est un procès devant un jury d’Assises.
Si l’affaire avait été renvoyée, nul doute que la décision finalement rendu aurait pris en compte de nombreux facteurs, et notamment un point très important : l’absence d’élément moral, intentionnel.
En droit pénal, il est impératif de démontrer que l’intention de commettre les faits a été définie pour prononcer une condamnation.
En ne retenant hypothétiquement que l’altération et non l’abolition, ce qui n’est pas sûr, la peine éventuellement prononcée aurait probablement été plus légère que le maximum encouru.
Je pense que le scandale aurait encore été plus grand.
Si des personnes ont cru intelligent de comparer le meurtre d’un chien avec celui de Sarah Halimi, qu’aurait-on dit si la peine prononcée contre Traoré avait été légère, et surtout avec une date de fin, une sortie sèche (avec toutefois un bémol concernant la possibilité d’une rétention de sûreté).
A mon avis, il est mieux de voir le meurtrier interné d’office en HP qu’en prison, et surtout, que son éventuelle libération soit liée à son état (inoffensif) qu’à la survenance d’une date de fin d’emprisonnement.
A ceux qui m'opposent que cela pourrait envoyer un signal d'impunité aux meurtriers en puissance, je retourne la question:
Ne pensez-vous pas que, lorsque des avocats ou responsables communautaires diffusent publiquement des erreurs, voire des mensonges sur les décisions rendues, cela n'entretient pas plus le sentiment d'impunité que lorsqu'une décision nuancée est rendue sur la base de faits complexes?
Quand on partage l'idée que la justice absout les criminels, cela envoie un message bien plus grave, et là dessus, nous sommes chacun responsable de ne pas diffuser de tels messages.
𝟕) 𝐂𝐨𝐦𝐛𝐢𝐞𝐧 𝐝𝐞 𝐭𝐞𝐦𝐩𝐬 𝐥𝐞 𝐦𝐞𝐮𝐫𝐭𝐫𝐢𝐞𝐫 𝐬𝐞𝐫𝐚-𝐭-𝐢𝐥 𝐢𝐧𝐭𝐞𝐫𝐧𝐞́ 𝐝’𝐨𝐟𝐟𝐢𝐜𝐞 𝐞𝐧 𝐇𝐨𝐩𝐢𝐭𝐚𝐥 𝐏𝐬𝐲𝐜𝐡𝐢𝐚𝐭𝐫𝐢𝐪𝐮𝐞 ? 𝐐𝐮𝐞𝐥𝐥𝐞𝐬 𝐬𝐨𝐧𝐭 𝐥𝐞𝐬 𝐜𝐨𝐧𝐝𝐢𝐭𝐢𝐨𝐧𝐬 𝐝’𝐢𝐧𝐭𝐞𝐫𝐧𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐞𝐧 𝐇𝐏 ?
Sur le premier point, comme déjà indiqué, les experts indiquent que les soins seront longs et délicats, et leur issue incertaine.
Il faudra attendre des années pour envisager des sorties temporaires, puis une sortie définitive.
La question est aujourd’hui entre les mains des médecins qui le soignent en HP.
Concernant les conditions d’internement en HP, je n’ai pas les compétences pour répondre précisément. Il semble, d’après les rapports rendus à ce sujet qu’elles soient indignes d’un Etat comme le nôtre.
Beaucoup de professionnels s’accordent à dire que paradoxalement, on est plus libre en prison qu’en HP.
Interrogé dans le cadre d’un procès sur la possibilité qu’un meurtrier ait pu simuler son trouble du discernement pour échapper à la prison, le Dr Cousin répondait : « À l'hôpital, les patients sont moins libres qu'en prison. Ils sont en chambre d'isolement tout le temps et, éventuellement, attachés à un lit. En général, ils se rendent compte très rapidement qu'ils seraient mieux en prison. ».
Que l’on soit clair : ces éléments me causent bien plus de honte qu’ils ne calment ma colère contre ce meurtre affreux et le contexte qui l’a permis.
Je ne dis pas cela pour donner un os à ronger à ceux qui réclament vengeance, mais pour porter la voix des professionnels qui connaissent ces milieux bien mieux que nous.
En espérant que ces quelques explications soient claires, et que je n’ai pas commis d’erreur dans la présentation des faits ou sur la procédure. ***
Interview du Dr Bensoussan:
https://www.marianne.net/societe/police-et-justice/lun-des-experts-psy-de-laffaire-sarah-halimi-se-defend-lirresponsabilite-penale-simposait

Avis du Procureur général près de la Cour de cassation:
https://www.dalloz-actualite.fr/flash/affaire-sarah-halimi-l-avocate-generale-demande-rejet-du-pourvoi#.YH5-DWczbIU

Conditions de vie en HP:

https://www.epris-de-justice.info/jai-tue-un-homme-et-jai-bu-son-sang/

https://www.lesinrocks.com/actu/terribles-conditions-de-vie-hopitaux-psychiatriques-367325-27-05-2016/

https://www.liberation.fr/societe/sante/en-psychiatrie-on-attache-et-on-isole-faute-de-personnel-20210302_R53JLGWY6ZA5JNFBT3ITID4RKA/